Discussion
Le diagnostic est (c) syndrome de Goodpasture. La présence de facteurs de risque d’infection par le VIH nous a conduits à nous orienter initialement vers des causes infectieuses. Après avoir écarté l’infection par le VIH, nous avons découvert une hématurie microscopique importante qui a évoqué la possibilité d’un syndrome pulmonaire-rénal. Une bronchoscopie avec lavage bronchoalvéolaire a montré une hémorragie alvéolaire diffuse. Les tests de recherche d’anticorps antinucléaires et d’auto-anticorps anti-cytoplasme des neutrophiles étaient négatifs. Cependant, le titre des anticorps anti-membrane basaleglomérulaire était élevé à 1:40. La biopsie rénale a montré des lésions segmentaires et nécrosantes avec des croissants cellulaires (figure 3A). La coloration linéaire des membranes basales glomérulaires était fortement positive pour les IgG (Figure 3B). Les lésions et les colorations linéaires sont toutes deux diagnostiques du syndrome de Goodpasture.
Figure 3 : (A) Un spécimen de biopsie rénale coloré à la méthénamine d’argent montrant des cellules épithéliales en prolifération sous forme de croissant à l’intérieur du glomérule (flèche), la morphologie caractéristique de la glomérulonéphrite rapidement progressive. (B) Coloration immunofluorescente des IgG montrant une coloration linéaire de la membrane basale glomérulaire, signe d’anticorps antimembrane basale glomérulaire.
Le patient a reçu de la prednisone et du cyclophosphamide et a subi une série de 9 traitements d’échange de plasma. Les résultats des tests pour les anticorps de la membrane basale antiglomérulaire étaient négatifs après 3 mois de traitement. Après 6 mois de suivi, le patient ne présentait aucun symptôme et son taux de créatinine sérique avait diminué pour se situer dans les limites de la normale.
Le syndrome de Goodpasture est rare, touchant moins d’une personne par million.1 Les auto-anticorps dirigés contre la membrane basale glomérulaire sont produits en réponse à un stimulus inconnu et provoquent une glomérulonéphrite. Dans environ 60 % des cas, ils provoquent également une hémorragie pulmonaire en ciblant les antigènes de la membrane basale alvéolaire. Le tabagisme augmente le risque d’atteinte pulmonaire.2 Les poumons sont plus fréquemment touchés chez les jeunes adultes.
Les patients présentant les manifestations pulmonaires du syndrome de Goodpasture présentent une dyspnée et une toux.3 L’hémoptysie est moins fréquente. Les infiltrats pulmonaires sont fréquemment migratoires et une anémie ferriprive peut survenir.
Le terme » migratoire » est utilisé pour décrire les infiltrats pulmonaires récurrents qui apparaissent et se résorbent sur une courte période (jours à semaines), de nouveaux infiltrats se développant ailleurs dans les poumons. Les infiltrats semblent donc se déplacer ou » migrer » dans les poumons au fil du temps.
L’exploration fonctionnelle pulmonaire chez les patients atteints du syndrome de Goodpasture montre une capacité de diffusion élevée pour le monoxyde de carbone. Le poumon est plus susceptible d’être affecté s’il existe une lésion parenchymateuse antécédente causée par des facteurs tels qu’une infection ou, plus fréquemment, le tabagisme. Les symptômes constitutionnels de fatigue, de perte de poids et de fièvre sont rares et suggèrent souvent une autre cause comme une vascularite.
Le diagnostic du syndrome de Goodpasture repose sur les résultats des tests de recherche d’anticorps antimembrane basaleglomérulaire et sur une biopsie rénale. La biopsie montrera des dépôts linéaires d’IgG le long de la membrane basale glomérulaire, qui sont pathognomoniques de la maladie (figure 3B). Le traitement consiste à administrer de fortes doses de prednisone et de cyclophosphamide en association avec une plasmaphérèse. Cependant, les preuves disponibles pour soutenir ce traitement sont limitées.4 Les résultats à long terme du syndrome de Goodpasture dépendent du degré initial d’insuffisance rénale et de la gravité des résultats histologiques.
Trois points d’apprentissage découlent de ce cas. Premièrement, l’hémorragie pulmonaire est une cause importante d’anémie sévère et doit être considérée dans le diagnostic différentiel. Une absence d’hémoptysie n’exclut pas une hémorragie pulmonaire significative.
Deuxièmement, des augmentations relativement faibles des taux de créatinine sérique peuvent impliquer une perte significative de la fonction rénale. Le taux de créatinine sérique de notre patient n’était élevé que de façon minime ; ses symptômes pulmonaires étaient beaucoup plus importants. Par conséquent, nous n’avons pas envisagé initialement la possibilité d’un syndrome pulmonaire-rénal. Notre exemple souligne l’importance de reconnaître la sensibilité relativement faible des taux de créatinine sérique pour détecter les réductions précoces du taux de filtration glomérulaire en cas de lésion rénale aiguë. Le taux de créatinine sérique change peu lorsque le débit de filtration glomérulaire est réduit de 120 ml/min à 90 ml/min. Mais il augmente de manière significative avec une réduction du débit de filtration glomérulaire de 90 mL/min à 60 mL/min. Par conséquent, les cliniciens devraient envisager d’évaluer directement le taux de filtration glomérulaire en mesurant la clairance de la créatinine en cas d’incertitude sur la signification de la valeur de la créatinine sérique.
Troisièmement, l’analyse d’urine devrait être incluse dans toute évaluation car elle est rapide, peu coûteuse et souvent informative. Nous aurions été plus enclins à envisager un syndrome pulmonaire-rénal dans le cas de notre patient si nous avions eu connaissance de l’hématurie microscopique.
En résumé, une hémorragie pulmonaire doit être envisagée chez tout patient présentant des infiltrats pulmonaires récurrents, en particulier en cas d’anémie inexpliquée.