On peut distinguer deux classes générales de changement évolutif : la microévolution (changement au-dessous du niveau de l’espèce) et la macroévolution (changement au-dessus du niveau de l’espèce).
Les écologistes des populations, les biologistes de la conservation et les écologistes du comportement sont plus directement concernés par les processus de microévolution. Ceux-ci comprennent les changements dans les valeurs et les fréquences de traits particuliers parmi les membres des populations, souvent dus à des processus écologiques tels que le mouvement des organismes et l’évolution des conditions environnementales, ainsi que les interactions avec les membres de différentes espèces (par exemple, les interactions prédateur-proie, hôte-parasite, la concurrence) ou de la même espèce (par exemple, la sélection sexuelle, la concurrence). Ces processus peuvent, mais ne conduisent pas nécessairement à la formation de nouvelles espèces au fil du temps, mais entraînent plutôt une fluctuation des fréquences des traits au sein des populations qui suivent des pressions sélectives en constante évolution (Thompson 1998). Comme certains processus microévolutifs peuvent se produire sur quelques générations seulement, ils peuvent souvent être observés dans la nature ou en laboratoire.
Une illustration appropriée de la microévolution en action est la tendance bien documentée des insectes à développer rapidement une résistance aux pesticides (Gassmann et al. 2009). Par exemple, pendant l’été dans le sud de la France, des pesticides sont appliqués pour lutter contre les moustiques Culex depuis la côte méditerranéenne jusqu’à environ 20 km à l’intérieur des terres. Certains gènes de moustiques confèrent une résistance aux pesticides mais sont coûteux en l’absence de pesticides (Figure 2) ; les fréquences du gène de résistance aux pesticides augmentent pendant l’été dans les zones où la pulvérisation est courante, mais n’augmentent pas dans les zones où la pulvérisation n’est pas pratiquée. (Lenormand et al. 1999).
En règle générale, les changements macroévolutifs ne peuvent généralement pas être observés directement en raison des grandes échelles de temps généralement impliquées, bien que de nombreux cas de changements macroévolutifs aient été observés en laboratoire (Rice & Hostert 1993). Au lieu de cela, les études de la macroévolution ont tendance à s’appuyer sur des déductions à partir de preuves fossiles, la reconstruction phylogénétique, et l’extrapolation à partir de modèles microévolutifs. Souvent, les études macroévolutives se concentrent sur la spéciation : le processus par lequel des groupes d’organismes précédemment interféconds deviennent incapables (ou non désireux) de s’accoupler avec succès et de produire une descendance fertile.
Les écologistes peuvent s’intéresser à la macroévolution comme moyen de faire des inférences concernant les questions écologiques actuelles. Les scientifiques qui s’intéressent à la modélisation des effets du changement climatique actuel, par exemple, peuvent coupler les données climatologiques préhistoriques avec les modèles de spéciation et d’extinction dérivés des fossiles pour comprendre comment les espèces animales et végétales contemporaines se portent aujourd’hui et comment elles se porteront à l’avenir. Par exemple, de nombreux invertébrés marins (coraux, escargots, palourdes, etc.) construisent leur coquille à l’aide de carbonate de calcium récolté dans l’eau de l’océan. Lorsque le CO2 anthropique s’accumule dans l’atmosphère, une fraction importante de celui-ci se dissout dans l’océan, libérant au passage des ions hydrogène libres et diminuant ainsi le pH océanique. Entre autres choses, cette acidification de l’océan réduit la quantité de carbonate disponible pour les invertébrés marins qui en dépendent pour leurs coquilles de carbonate de calcium, ce qui rend difficile la fabrication et le maintien de leurs coquilles.
En combinant les données sur le pH océanique d’il y a des centaines de millions d’années avec les archives fossiles des foramifères (invertébrés marins fabriquant des coquilles), Zachos et al. (2005) montrent les effets que l’acidification des océans a eus sur la diversification et l’extinction de la faune d’invertébrés marins du passé. À partir de ces données, on peut modéliser les schémas actuels d’acidification des océans et commencer à prédire ses effets sur les animaux marins actuels et futurs (par exemple, Orr et al. 2005).