Lettres à la rédaction
Diclofénac colite aiguë
Mots clés : colite. Diclofenac. Saignement gastro-intestinal inférieur
Mots clés : colite. Diclofenac. Hémorragie gastro-intestinale basse.
Monsieur le Directeur:
Les effets toxiques des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ne se limitent pas à la muqueuse gastrique, mais n’importe quelle partie du tube digestif peut être affectée, comme l’illustre le cas suivant.
Un homme de 69 ans a consulté pour des douleurs de l’épigastre et de l’hypochondre droit, associées à une anorexie et un amaigrissement non quantifié depuis 2 mois. Il n’a pas signalé d’altération du rythme des selles ni de changement d’aspect des selles. Il était hypertendu et était traité avec du telmisartan. L’examen physique a révélé une hépatomégalie dure. Un scanner thoraco-abdominal a montré de multiples nodules hépatiques et pulmonaires. L’examen cytologique d’un échantillon obtenu par ponction et aspiration hépatique a révélé des cellules de carcinome. Le taux d’alpha-fœtoprotéine sérique était normal, de même que la gastroscopie. En raison de douleurs abdominales, un traitement par diclofénac oral à libération retardée (200 mg/jour) a été instauré. Douze jours plus tard, la patiente a présenté une rectorragie. Une coloscopie a montré de multiples ulcérations, avec une muqueuse friable et des débris hématiques dans tout le côlon descendant, à l’exception du rectum, qui a été respecté. L’étude histologique de ces lésions a montré un tissu de granulation chronique de nature non spécifique. Les cultures de selles et la détermination de la toxine de Clostridium difficile dans les selles étaient négatives. Le diclofénac a été remplacé par le tramadol. La rectorragie a cessé en quatre jours et une nouvelle coloscopie réalisée neuf jours après la première a montré une diminution significative du nombre et de l’intensité des ulcérations, sans friabilité de la muqueuse colique à la friction et avec un schéma vasculaire préservé. Les nouvelles biopsies ont été rapportées comme une colite segmentaire non spécifique légère.
Dans le cas présenté, la résolution des symptômes et l’amélioration rapide des résultats coloscopiques après le retrait du diclofénac ont permis d’associer l’utilisation du diclofénac au développement de la colite.
La toxicité colique des AINS est très variée. Sur un côlon normal, elles peuvent produire des colites éosinophiles, pseudo-membraneuses, non spécifiques, ischémiques, collagéniques, des ulcères et des perforations ; sur des diverticules, des complications telles que perforation, fistule ou hémorragie. Enfin, les AINS peuvent réactiver les maladies inflammatoires de l’intestin (1).
Une étude récente a estimé qu’un utilisateur d’AINS sur 1 200 développe une colite liée aux AINS (2). Le délai entre l’utilisation des AINS et l’apparition de la toxicité colique varie de quelques jours à plusieurs années (2,3). Cependant, dans une analyse de 78 colites induites par les AINS, seuls 8% des cas ont développé la maladie dans les 3 premiers mois de traitement (2). L’expression clinique de la colopathie des AINS est diverse : anémie ferriprive, test de recherche de sang occulte dans les selles positif, douleurs abdominales, perte de poids, modification des habitudes intestinales (3), diarrhée ou rectorragie, pouvant même conduire au décès du patient (4). La coloscopie montre des formations pseudodiaphragmatiques, des sténoses coliques (3), des ulcérations ou simplement une inflammation de la muqueuse, avec une prédilection pour le cæcum et le côlon ascendant, le rectum étant respecté dans jusqu’à 30% des cas (2). L’examen histopathologique peut montrer des signes d’inflammation chronique, qui peuvent être confondus avec une maladie inflammatoire de l’intestin (2).
Une colite a été rapportée après un traitement avec pratiquement tous les types d’AINS, bien que l’effet délétère des inhibiteurs sélectifs de la COX-2 sur le côlon reste à définir. Dans une étude randomisée en double aveugle portant sur 4 573 patients traités par célécoxib ou diclofénac, il n’y avait pas de différence significative dans l’incidence de la diarrhée (0,25 contre 0,18 %, respectivement), bien qu’elle ait été conçue pour évaluer principalement les complications gastroduodénales (5).
Le diagnostic de colopathie AINS est un diagnostic d’exclusion et est étayé par la résolution des manifestations cliniques en quelques jours lorsque le médicament responsable est arrêté.
S. Bielsa Martín, J. M. Porcel Pérez, A. B. Madroñero Vuelta et M. J. Planella Rubinat1
Service de médecine interne. 1Section digestive. Hôpital universitaire Arnau de Vilanova. Lleida
Bibliographie
1. Bjarnason I, Hayllar J, Macpherson AJ, Russell AS. Effets secondaires des anti-inflammatoires non stéroïdiens sur l’intestin grêle et le gros intestin chez l’homme. Gastroenterology 1993 ; 104 : 1832-43.
2. Gleeson MH, Davis AJM. Anti-inflammatoires non stéroïdiens, aspirine et colite nouvellement diagnostiquée : une étude cas-témoins. Aliment Pharmacol Ther 2003 ; 17 : 817-25.
3. Byrne MF, McGuinness J, Smyth CM, Manning DS, Sheehan KM, Bohra SG, et al. Diaphragmes et ulcérations du côlon induits par les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Eur J Gastroenterol Hepatol 2002 ; 14 : 1265-9.
4. Katsinelos P, Christodoulou K, Pilpilidis I, Xiarchos P, Papagiannis A, Dimiropoulos S, et al. Colopathy associated with the systemic use of nonsteroidal antiinflammatory medications. Une entité sous-estimée. Hepatogastroenterology 2002 ; 49 : 345-8.
5. Silverstein FE, Faich G, Goldstein JL, Simon LS, Pincus T, Whelton A, et al. Toxicité gastro-intestinale avec le célécoxib vs les anti-inflammatoires non stéroïdiens pour l’arthrose et la polyarthrite rhumatoïde. The class study : a randomized controlled trial. JAMA 2000 ; 284 : 1247-55.