Technique
L’évaluation du pouls veineux jugulaire est peut-être l’une des techniques de diagnostic physique les plus incomprises et difficiles à maîtriser. Une fois comprise et pratiquée de manière répétitive lors de chaque examen physique, le mysticisme entourant l’évaluation du pouls veineux jugulaire disparaît. Néanmoins, l’attention portée à quelques points fondamentaux est cruciale pour un examen correct du pouls veineux.
Premièrement, le patient doit être positionné de manière à ce que le médecin puisse observer le pouls veineux. Ainsi, le cou et la poitrine doivent être dénudés pour permettre une vue dégagée de la partie médiane du sternum à l’anthélix des oreilles. Cela nécessite que la robe de chambre (s’ouvrant de préférence sur le dos de la patiente) soit positionnée au niveau des mamelons. De plus, les cheveux longs d’une femme doivent être repoussés derrière sa tête. Deuxièmement, la patiente doit être allongée dans une position confortable. À l’exception du confort du patient, l’angle exact d’inclinaison par rapport à l’horizontale est relativement peu important. En fait, cet angle n’a même pas besoin d’être indiqué lors de l’examen physique, puisque la pression veineuse moyenne peut être donnée en unités de « centimètres d’eau », qui est un nombre absolu. En général, les patients dyspnéiques ne tolèrent pas d’être inclinés à des angles inférieurs à 45 ou 60 degrés par rapport à l’horizontale, et c’est donc la position initiale de la tête de lit qui doit être retenue. Troisièmement, la table d’examen (ou le lit d’hôpital) doit être élevée à une hauteur confortable pour le médecin. L’examen cardiaque – s’il est effectué correctement – prend du temps et ne doit pas être précipité ; l’inconfort physique du médecin nuit à l’efficacité de ses compétences au chevet du patient. Quatrièmement, une source de lumière adéquate avec un faisceau puissant doit être facilement disponible. Cette source peut être une lampe de poche (avec une pile solide) ou une lampe de chevet que le médecin peut diriger. L’éclairage ambiant de la pièce ou de la fenêtre n’est généralement pas aussi bon qu’un éclairage artificiel dirigé.
La source de lumière est dirigée tangentiellement à un angle d’environ 45 degrés par rapport au plan sagittal, depuis l’arrière de la zone midscapulaire droite, à travers le côté droit du cou, vers la ligne médiane (figure 19.2). L’examinateur doit localiser, par observation directe, les pulsations veineuses du côté droit du cou. En général, le menton du patient doit être allongé pour faciliter cette observation. Mais il faut faire attention à ce que le muscle sterno-cléido-mastoïdien ne soit pas excessivement tendu, comprimant ainsi les veines jugulaires externes et internes et oblitérant leurs pulsations. Il est crucial que l’examinateur soit certain de distinguer les pulsations veineuses des pulsations artérielles, et que le sommet de la colonne veineuse soit reconnu. Pour ce faire, il faut rechercher les trois crêtes du pouls veineux et les comparer au pouls artériel carotidien. Je trouve plus facile d’observer les pulsations du côté droit du cou tout en chronométrant le pouls carotidien du côté gauche du cou du patient à l’aide de mon troisième doigt droit (figure 19.2). Si je ne sais toujours pas si j’observe ou non le pouls veineux, j’essaie d’oblitérer le pouls veineux en plaçant mon pouce ou mon index droit à la base du cou droit du patient (Figure 19.3). En comprimant cette zone avec une force d’environ 10 à 20 mm Hg, le pouls veineux peut être oblitéré. On observera alors que le mouvement qui subsiste présente le contour monophasique caractéristique du pouls carotidien. Pendant cette manœuvre, il est important de continuer à projeter une lumière tangentielle sur le côté droit du cou afin d’observer le contour des différents pouls.
Figure 19.2
Dessin démontrant la technique appropriée pour évaluer le pouls veineux. Notez le positionnement de la lampe-stylo par rapport au cou du patient, ainsi que le placement du troisième doigt droit sur l’artère carotide gauche.
Figure 19.3
Dessin démontrant la bonne technique pour oblitérer le pouls veineux par compression numérique.
L’étape suivante consiste à déterminer la hauteur de la pression veineuse jugulaire moyenne, mesurée en centimètres d’eau, au-dessus du point médian de l’oreillette droite. Cette dernière position est choisie car elle constitue le point de référence standard pour toutes les mesures hémodynamiques dans le laboratoire de cathétérisme. De plus, le point médian de l’oreillette droite se trouve à une relation fixe constante (c’est-à-dire 5 cm) sous l’angle sternal de Louis, quelle que soit la position anatomique du patient. Ainsi, que le patient soit couché à plat ou assis en position droite, cette relation anatomique reste vraie. Pour déterminer la pression veineuse jugulaire moyenne, l’examinateur doit observer le nadir de la colonne veineuse à l’inspiration, puis la crête de cette colonne à l’expiration. Ensuite, on estime visuellement le point médian de l’excursion du pouls veineux au cours des cycles respiratoires normaux. Une respiration exagérée ou une rétention d’air fausse la pression veineuse moyenne normale et doit être évitée. Une ligne horizontale est tracée à partir de ce point estimé pour croiser une ligne verticale, qui est dressée perpendiculairement au sol à travers l’angle sternal de Louis. On mesure la distance entre l’angle sternal et cette intersection (figure 19.4). La somme de cette distance – plus la relation fixe obligatoire de 5 cm avec le point médian de l’oreillette droite – représente la pression veineuse jugulaire moyenne.
Figure 19.4
Dessin démontrant la mesure de la pression veineuse moyenne par rapport à l’angle sternal de Louis. La pression veineuse moyenne, estimée de cette manière, est remarquablement similaire à une valeur exacte déterminée par cathétérisme cardiaque. (Redessiné ; (suite…)
En supposant que le sommet de la colonne veineuse ait été observé, il n’est pas nécessaire de préciser le degré d’inclinaison du patient par rapport à l’horizontale. Bien qu’une règle puisse être utilisée pour mesurer la distance entre l’interception et l’angle sternal de Louis, cet appareil n’est pas toujours facilement disponible. Si la largeur des doigts de l’observateur est connue, ceux-ci peuvent servir au même objectif.
Puis, l’examinateur observe la montée et la descente de la pression veineuse pendant une inspiration et une expiration normales. Normalement, la pression veineuse moyenne diminue pendant l’inspiration. Il est particulièrement important que le patient n’effectue pas de manœuvre de Valsalva ou ne retienne pas sa respiration pendant cette procédure. Enfin, l’examinateur applique une pression ferme mais persistante sur le foie pendant 10 secondes tout en observant la pression veineuse jugulaire moyenne. Normalement, il n’y a pas d’augmentation ou seulement une augmentation transitoire (c’est-à-dire 2 à 3 secondes) de la pression veineuse jugulaire moyenne. Une augmentation soutenue de la pression veineuse moyenne jusqu’à ce que la compression abdominale soit relâchée est anormale et indique une altération de la fonction cardiaque droite. Cette réponse anormale est appelée reflux hépatojugulaire. Après avoir déterminé la pression veineuse jugulaire moyenne, il faut examiner le contour du pouls veineux en observant simultanément le pouls veineux du côté droit du cou tout en palpant l’artère carotide gauche (figure 19.2). Une crête dans le pouls veineux jugulaire précédant immédiatement l’impulsion carotidienne est une onde « a » ; celle qui se produit avec la montée de la carotide est l’onde « c » ; et celle qui se produit après le pic de l’impulsion carotidienne est l’onde « v ». L’onde « a » et l’onde « c » se produisent relativement près l’une de l’autre, tandis que l’on observe que l’onde « v » en est séparée par un intervalle plus long.